Tunisie: Arrestation d’Ahmed Néjib Chebbi, figure centrale de l’opposition

Le leader du Front de Salut National, Ahmed Néjib Chebbi, 81 ans, a été arrêté jeudi à son domicile en exécution d’un jugement lié à l’affaire dite du “complot contre la sûreté de l’État”. Cette interpellation survient alors que la Tunisie traverse une phase de fortes tensions politiques marquée par une intensification des mesures contre les opposants.
L’avocat Samir Dilou, membre du comité de défense des détenus politiques, a confirmé l’arrestation, précisant qu’elle s’inscrit dans une série de poursuites visant responsables politiques, militants et défenseurs des droits humains. Mercredi, Chebbi avait indiqué être prêt à l’éventualité de son arrestation, dénonçant une escalade sécuritaire tout en affirmant garder “espoir dans l’avenir de l’opposition”.
Dans un communiqué commun, plusieurs formations politiques ont condamné ce qu’elles qualifient de “campagnes systématiques” visant les voix critiques de l’actuel pouvoir. Elles ont rappelé que des peines d’appel particulièrement lourdes, atteignant plusieurs décennies de prison, viennent d’être rendues dans le cadre de la même affaire, touchant des opposants détenus depuis près de trois ans. Les récentes arrestations de l’activiste Chaima Issa et de l’avocat Ayachi Hammami ont renforcé leurs inquiétudes.
Les partis réunis au siège du Parti Républicain ont dénoncé une stratégie visant, selon eux, à restreindre l’espace public et à instaurer un climat de répression, par l’usage conjoint des forces de sécurité, de la justice et du système carcéral. Ils estiment que ces pratiques rappellent les mécanismes des anciens régimes autoritaires.
Ils ont annoncé la coordination de nouvelles actions communes, réclamant la libération immédiate de tous les prisonniers d’opinion, ainsi qu’une mobilisation citoyenne élargie. Un appel a été lancé pour une participation massive à la marche prévue samedi, sous un mot d’ordre “en défense des libertés fondamentales”.
L’affaire du “complot contre la sûreté de l’État”, ouverte en février 2023, implique plusieurs figures de l’opposition, dont Noureddine Bhiri, Ridha Belhaj, Issam Chebbi et l’ancien ministre Ghazi Chaouachi. Les accusations – atteinte à l’ordre public, menace à la sûreté nationale, collaboration avec des entités étrangères, incitation au désordre – sont catégoriquement rejetées par leurs avocats, qui y voient des poursuites à caractère politique.

L’arrestation d’Ayachi Hammami
Le 2 décembre 2025, l’avocat et défenseur des droits humains Ayachi Hammami a été arrêté chez lui, dans le cadre du même dossier relatif au “complot contre la sûreté de l’État”. Condamné en appel à une peine de cinq ans de prison, l’ancien coordinateur du Comité de défense des détenus politiques affirmait que le dossier reposait sur des accusations « fabriquées de toutes pièces » et motivées politiquement.
Cette interpellation, qui avait immédiatement ravivé les tensions entre les autorités et les acteurs de la société civile, a été perçue comme un signe clair d’un durcissement dans la gestion de l’affaire.

L’arrestation de Chayma Issa
Quelques jours plus tôt, le 29 novembre 2025, c’est Chayma Issa, membre éminente du Front de salut national, qui avait été arrêtée en plein centre de Tunis lors d’une manifestation. Condamnée à vingt ans de prison en appel, elle participait à un rassemblement en faveur des libertés publiques lorsqu’elle a été appréhendée par des agents en civil devant la foule. L’intervention a provoqué une vague d’indignation, des cris de protestation et une atmosphère particulièrement tendue sur l’avenue Habib Bourguiba.
Un appel marqué par des peines sévères
Le verdict d’appel dans l’affaire dite du “complot contre la sûreté de l’État”, rendu public le vendredi 28 novembre 2025, a confirmé le caractère particulièrement sévère des jugements de première instance, tout en ajustant certaines condamnations.
La cour d’appel a conservé une ligne très dure : de longues peines ont été confirmées, certaines réduites, d’autres alourdies. Trois accusés — Noureddine Boutar, Lazhar Akremi et Hattab Slama — ont toutefois bénéficié d’un acquittement.
Pour la majorité des personnalités poursuivies, parmi lesquelles Jaouhar Ben Mbarek, Ghazi Chaouachi, Issam Chebbi, Chayma Issa et Ahmed Néjib Chebbi, les condamnations restent particulièrement lourdes, allant de plusieurs années à plusieurs décennies d’emprisonnement. Quant aux accusés ayant quitté le pays, les peines les plus strictes ont été maintenues.
Ce verdict très attendu a contribué à intensifier les tensions et à renforcer les critiques dénonçant une justice mise au service du pouvoir politique.



