La Guinée-Bissau plongée dans une instabilité politique après le coup d’État militaire

La Guinée-Bissaun replonge une nouvelle fois dans l’instabilité politique. À peine deux jours après un coup d’État militaire survenu dans un climat électoral déjà tendu, les forces armées ont rapidement restructuré le pouvoir en place. Un président de transition a été investi, un Premier ministre nommé, tandis que l’Union africaine (UA) a réagi fermement en suspendant le pays de toutes ses instances. Cette décision marque une condamnation claire de la prise de pouvoir par la force et ravive les inquiétudes sur l’avenir démocratique de ce pays d’Afrique de l’Ouest.
Ce nouvel épisode s’inscrit dans une longue histoire de crises politiques, de transitions avortées et de coups d’État répétés qui freinent durablement le développement de la Guinée-Bissau depuis son indépendance en 1974.
Un coup d’État sur fond de tensions électorales
Le renversement du pouvoir est intervenu à un moment particulièrement sensible. Des élections présidentielles et législatives s’étaient tenues le 23 novembre, mais les résultats officiels n’avaient pas encore été proclamés. Cette situation a alimenté les soupçons de manipulation et de blocage volontaire du processus démocratique.
Le président Umaro Sissoco Embalo a été renversé par l’armée puis brièvement détenu avant de quitter le pays. Il s’est réfugié au Sénégal, où il est arrivé sain et sauf selon les autorités sénégalaises. Son départ précipité a laissé un vide institutionnel immédiatement comblé par les militaires.
Pour de nombreux observateurs, le timing du coup d’État n’est pas anodin. Il soulève de sérieuses questions sur la volonté réelle de respecter le verdict des urnes et de permettre une alternance politique pacifique.

Mise en place rapide d’une transition militaire
Dès le lendemain du putsch, la junte a annoncé la création d’un Haut commandement militaire pour la restauration de l’ordre, chargé de diriger le pays durant une période de transition.
Un général à la tête de l’État
Le général Horta N’Tam, ancien chef d’état-major de l’armée de terre, a été investi président de la République de transition. Selon les militaires, cette transition devrait durer un an, le temps de « réorganiser l’État » et de « rétablir l’ordre constitutionnel ».
Ce type de promesse est fréquent après les coups d’État sur le continent africain. Cependant, l’expérience passée, notamment en Guinée-Bissau, incite à la prudence. Les transitions militaires s’éternisent souvent et débouchent rarement sur des institutions solides et crédibles.
Nomination d’un Premier ministre pour rassurer
Pour donner une apparence de continuité administrative, les autorités de transition ont rapidement nommé un Premier ministre.
Ilidio Vieira Té aux commandes du gouvernement et des finances
Par décret, Ilidio Vieira Té a été nommé Premier ministre tout en conservant le portefeuille stratégique de ministre des Finances. Ce choix est significatif : il occupait déjà ce poste sous le président renversé. La junte semble ainsi miser sur un visage connu pour maintenir un minimum de stabilité économique.
Cependant, malgré la présence de civils dans le gouvernement, le véritable pouvoir reste entre les mains des militaires. Les grandes orientations politiques et sécuritaires sont décidées par le Haut commandement militaire, ce qui limite fortement l’autonomie du gouvernement.
L’Union africaine frappe fort
Face à cette prise de pouvoir anticonstitutionnelle, l’Union africaine n’a pas tardé à réagir.
Suspension immédiate de la Guinée-Bissau
L’UA a annoncé la suspension de la Guinée-Bissau de toutes ses instances, conformément à ses principes qui rejettent toute accession au pouvoir par des moyens non démocratiques. Cette décision isole politiquement le pays sur la scène continentale.
Même si cette sanction est principalement symbolique, elle envoie un message fort aux autorités de transition et aux autres pays de la région : les coups d’État ne seront pas normalisés.
Des conséquences potentielles importantes
Cette suspension pourrait également influencer les partenaires internationaux, notamment les bailleurs de fonds et les institutions financières. Dans un pays déjà confronté à une pauvreté structurelle, toute réduction de l’aide internationale pourrait aggraver la situation sociale.
Des inquiétudes majeures sur les droits humains
La situation sécuritaire ne se limite pas aux enjeux institutionnels. Les premières informations faisant état d’arrestations arbitraires ont rapidement alarmé la communauté internationale.
L’ONU tire la sonnette d’alarme
Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a déclaré qu’au moins 18 personnes avaient été arrêtées arbitrairement depuis le coup d’État. Parmi elles figureraient des membres du gouvernement, des magistrats et des leaders de l’opposition.
Ces arrestations renforcent les craintes d’un durcissement autoritaire et d’une restriction sévère des libertés politiques.
Une capitale qui tente de reprendre son souffle
Malgré la crise, la vie quotidienne à Bissau, la capitale, montre des signes de reprise.
Fin du couvre-feu et réouverture des frontières
Les autorités militaires ont levé le couvre-feu nocturne imposé après le coup d’État. Les frontières ont été rouvertes, tout comme les écoles, les marchés et les institutions privées. La présence militaire reste visible, mais moins oppressante.
Une population sous pression économique
Dans les marchés, les commerçants ont repris leurs activités, souvent par nécessité. Beaucoup expliquent qu’ils n’ont pas le choix : sans travail quotidien, il est impossible de subvenir aux besoins de leur famille. Cependant, la baisse de la clientèle et l’incertitude politique pèsent lourdement sur l’économie locale.
Le Sénégal et la médiation régionale
Pays voisin et acteur diplomatique clé, le Sénégal suit de très près la situation.
Ousmane Sonko dénonce une “combine”
Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a qualifié le coup d’État de « combine », estimant qu’il visait à interrompre le processus électoral avant l’annonce des résultats. Il a appelé à la libération des personnes arrêtées, notamment Domingos Simões Pereira, figure majeure de l’opposition bissau-guinéenne.
La CEDEAO en première ligne
Le Sénégal fait partie d’un comité restreint de médiation mis en place par la CEDEAO, dont l’objectif est de favoriser le retour à l’ordre constitutionnel et d’éviter une nouvelle déstabilisation régionale.
Une instabilité chronique depuis l’indépendance
La Guinée-Bissau a connu quatre coups d’État réussis depuis 1974, ainsi que de nombreuses tentatives. Chaque cycle électoral est marqué par des contestations, fragilisant encore davantage des institutions déjà faibles.
Cette instabilité permanente a favorisé la corruption, freiné le développement économique et facilité l’implantation de réseaux criminels, notamment liés au narcotrafic.
Conclusion
La suspension de la Guinée-Bissau par l’Union africaine illustre la gravité de la situation actuelle. Entre consolidation du pouvoir militaire, inquiétudes sur les droits humains et médiation régionale incertaine, le pays se trouve à un tournant décisif. Sans un véritable engagement en faveur d’une transition inclusive, transparente et démocratique, cette nouvelle crise risque de s’ajouter à une longue liste d’occasions manquées pour la stabilité et le développement de la Guinée-Bissau.



